mercredi 31 janvier 2018

Liquidambar et stewartia ou le lièvre et la tortue..

La vie devant soi, oui mais... En cette époque où le "tout tout de suite" fait presque force de loi, on a parfois peine à convaincre qu'au jardin il y a lieu de "donner du temps au temps".  5 ans, 10 ans, 20 ans.... Dans un nouveau jardin et pour éviter de se décourager, il est intéressant de rapprocher dans la même scène des arbres ou arbustes qui poussent vite avec d'autres qui effectivement prendront leur temps.

Je l'avais expérimenté au commencement de mon premier jardin en suivant les conseils de  Patricia Beucher et Jean-Paul Collaert , "Le Beau jardin du Paresseux" , c'est tout dire, une mine ! (réédité en 2000 par Ulmer). La plantation de 3 différents sureaux et de saules le long du ruisseau avaient en très peu d'années créé une première structure.
 Le "chantier" du futur sous-bois en octobre 2017

Ici en lisière ensoleillée du futur sous-bois (il sera protégé l'après-midi par les grands chênes), un liquidambar styraciflua Andrew Hanson joue le rôle du lièvre. Je l'ai choisi (outre sa croissance plutôt rapide) pour son port pyramidal étroit qui ne gênera pas ses voisins, son feuillage très découpé qui fait penser à un érable ...et ses magnifiques couleurs d'automne.  

Le stewartia pseudocamellia  quant à lui pourra atteindre peut-être 10m au bout de nombreuses années....Je table sur 4 à 5 mètres. Mais avant cela il sera tout de même très attractif.
Le stewartia n'est pas encore bien installé d'autant qu'il a été transplanté après deux ans, ce qu'il n'apprécie pas forcément (le sol ne s'avérant pas assez frais, il dépérissait et le laisser en place revenait à le condamner). Maintenant à sa place définitive depuis 3 ans le stewartia pseudocamelia a eu pour la première fois en 2017 un feuillage abondant et ses premières vraies couleurs d'automne rouge orangé. Les fleurs blanches en forme de petites fleurs de camellia, parcimonieuses les premières années ont été l'été dernier un peu plus nombreuses mais encore très petites (3cm plutôt que 5-6...).  Et il est beaucoup trop jeune pour laisser apprécier l'originalité de son écorce. 

jeudi 18 janvier 2018

Un jardin dans un paysage, le paysage dans le jardin

Faire venir le paysage jusqu'à la maison... Retrouver le parti d'origine des années 70 : une maison  "dedans-dehors" posée à mi-pente dans un cadre naturel. Une situation privilégiée et un site à préserver avec soin et modestie. Un "jardin sans limites". Mais comment ? Pas si facile en réalité. Tout réapprendre. A l'inverse de créer un univers clos sur lui-même, de tordre le site en le "jardinant", d'introduire des arbres, arbustes ou vivaces qui pourraient dévoyer le caractère du lieu. S'y glisser au contraire en soulignant par touches les facettes de son identité : une ancienne lande pauvre descendant vers la rivière, en lisière de bois de pins et de chênes ; vers le sud en limite  un vieux talus empierré et arboré avec au-delà un très grand champ cultivé.

Le terrain avait fait l'objet il y a quarante ans de plantations horticoles denses et variées d'espèces alors à la mode dans les jardins. (....Aujourd'hui dans le même contexte seraient plantés palmiers, oliviers, cordylines, phormiums ..). Nombre d'entre elles n'ont pas survécu, tant mieux. Plusieurs autres, incongrues, plantées trop serrées ou ayant mal vieilli ont pu être supprimées. Mais il reste pourtant de cette période de magnifiques sujets, arbres et arbustes qui mettent le site en exergue : le pin de Monterey entre les pins maritimes et les chênes, un cèdre (encore jeune) de l'Himalaya, un eucalyptus en lisière d'un boqueteau de pins, le magnolia liliiflora. Et sous les grands arbres, camellias, rhododendrons...J'ai pris la relève dans cet esprit.
 Un grand camellia et un rhododendron nain (non encore identifiés) conservés et soignés
Après bien des erreurs (dont celle de vouloir trop en faire...), j'applique quelques principes simples auxquels il me faut me tenir.

*Contrairement à ce qui est généralement prescrit ("jardiner autour de la maison et au loin préférer le naturel"), je tiens à l'écart les séquences et les différentes ambiances du jardin (une dizaine aujourd'hui quand même), sauf sur le pignon d'entrée en signe d'accueil. Les scènes du jardin s'appuient sur des arbres et arbustes préexistants, en sous-bois, le long du talus, au-delà des vieux pommiers... On les découvre de près, au détour de la promenade.
Un jeune schizophrama hydrangeoides planté à l'ombre entre 2 pins maritimes

*Ne pas vouloir "tout" investir, laisser tel que derrière la maison les bois de chênes et de pins qui se prolongent au-delà des limites.  J'avais fait l'erreur de planter un hydrangea aspera villosa  en lisière du bois. Trop présent dans cette ambiance il va être déplacé.

* Respecter strictement dans le choix des végétaux la nature du sol, plus variée qu'on pourrait le croire au prime abord, pour éviter les déconvenues, les échecs et les incohérences.... Au bas du terrain, la terre est plus riche, plus humide, dans le haut le sol est très sec et pauvre. Une chance.

*Sélectionner des arbres et arbustes intéressants pour leur feuillage, leur port et leur silhouette, leur écorce, plus que par leurs floraisons. Avec des exceptions : rhododendrons et camellias,  hydrangeas... Apporter des touches de couleurs oui mais non "flashy", qu'elles puissent juste éveiller l'harmonie douce des teintes changeantes du ciel, de l'eau, des troncs et des feuilles selon la lumière et les saisons.  
 
 L'hamamelis Jelena avec à son pied les longues feuilles fanées des iris lazica jouant le ton sur ton (celles aussi du hêtre marcescent en arrière-plan)

*Inciter des plantes indigènes et spontanées à prospérer sur le site (je les transplante là où elles contribueront à structurer le jardin) : merisiers sous les chênes et les pins ; noisetiers, houx, aubépines qui remplacent les pyracantha, forsythia, genêts d'Espagne dans la haie du bord de route; pulmonaires (pulmonaria longifolia), bugle rampant (ajuga reptans) en tapis entre les hydrangeas ou les rhododendrons nains... 
Un des très nombreux semis de pulmonaria longifolia 
Les premières fleurs des hellébores orientales blanches introduites
*Planter "en masse" une même espèce pour créer des plages à l'échelle des vues très ouvertes sur le paysage : ainsi de la bruyère d'hiver blanche (erica darleyensis x white glow et x white perfection), du saxifrage stolonifera en couvre-sol persistant sous le magnolia liliiflora nigra. 
 
 

Dans 4 séquences du jardin des espèces et hybrides différents d'epimediums dont je suis une fan quasi inconditionnelle.  

 Les teintes chaudes du feuillage d'hiver de l'epimédium x versicolor Sulphureum, un classique peut-être...mais une valeur sûre : 2 pieds divisés de mon ancien jardin ont formé en peu d'années un couvre-sol à toute épreuve sur plusieurs m2.   

vendredi 12 janvier 2018

Un rescapé méritant, le camellia japonica blanc

 
  Un rescapé, ce n'est rien de le dire. Je l'ai découvert à mon arrivée ici en 2012 couché au sol, quasi à l'horizontale, s'évertuant à survivre malgré tout sous un épais tas de branches d'eléagnus (trois pieds alignés laissés à eux-mêmes pendant une dizaine d'années...), les longues tiges des eléagnus parties dans tous les sens à l'assaut de camellias, rhododendrons et d'un arbousier de 6m de haut, allant jusqu'à dépasser sa cime...Je vous épargnerai le récit de l'énergie et du temps nécessaires pour rabattre ces tiges innombrables dotées de crochets recourbés qui s'accrochent sournoisement sur tout support à leur portée.

Sans plus attendre et tant que faire se peut j'ai ensuite relevé et tuteuré avec précaution le tronc principal du camellia...qui depuis me le rend bien. 
 Au commencement il a continué de pousser à l'horizontale comme s'il avait pris le pli. Je n'ai pas cédé et vérifié le tuteurage régulièrement. La lumière retrouvée il a peu à peu au fil des années, d'abord timidement, maintenant avec vigueur, redressé ses branches latérales. Il s'élève progressivement et atteint cette année 2m de haut.

Sa floraison blanche en fleurs simples aux étamines dorées fut parcimonieuse les premières années. Elle est cet hiver éblouissante. C'est un camellia précoce : l'automne ayant été doux, les premières fleurs sont apparues avant Noël. Et il fleurira sans discontinuer jusqu'en avril. Quel est-il ? Une variété classique, peut-être le camellia japonica Madame Lourmand créé à Nantes en 1908? J'en aime bien l'idée.  
 Pendant longtemps j'ai guetté sur le tronc (sans résultat) le bourgeonnement de nouvelles pousses qui puissent rééquilibrer sa silhouette (assez "tordue" je le reconnais).  L'automne dernier pour la première fois après cinq ans de soins j'ai pu observer 2 yeux, bien placés en bas du tronc, promesse d'un développement futur.

lundi 8 janvier 2018

Que la fête (des fleurs d'hiver) commence ! Avec le cornus officinal

Finis les jours sombres de novembre-décembre, la lumière plombée la plupart du temps hormis quelques rayons de soleil rasants éclairant subitement le jardin. Pourtant des frémissements annonçaient précocement le retour du printemps : grossissement des boutons à fleurs (rhododendrons, magnolias, cornouillers...), premières fleurs du précoce hamamellis Jelena, apparition des cyclamens coum ... 

Ce début janvier, malgré les épisodes répétés d'une météo (très)venteuse et pluvieuse les fleurs d'hiver sont bien là : et d'abord celle du cornouiller officinal (cornus officinalis), un de mes arbustes préférés, puis des hellébores orientales qui s'élèvent à vue d'oeil, des perce-neige.... J'y reviendrai. Ce cornus officinal (cf. article du 31 janvier 2008) a été transplanté encore jeune (en place depuis quatre ans et demi tout de même...) de mon ancien jardin de ville. Je le savais a priori résistant à la sécheresse et costaud : ceci s'est avéré et mieux que cela. 

Dans un contexte bien différent, sur la pente d'une ancienne lande, au bord du chemin, en avant-plan du grand pin de Monterey (pinus radiata ou insignis) qui domine le site, il s'est acclimaté dès la première année. Même si bien entendu il a mis trois ans pour trouver vraiment ses marques c'est à dire commencer à reprendre du volume et de la hauteur. 
En décembre à peine ses feuilles tombées après avoir pris de jolies couleurs mordorées pendant quelques semaines les boutons à fleurs étaient déjà bien visibles.  
Cette première floraison d'hiver qui commence tout juste me met en joie: à la fois lumineuse et discrète, fidèle d'année en année.

Comme le paysage est très ouvert et les vues larges, un tout  jeune hammamellis Pallida, jaune pâle, vient d'être planté loin en arrière-plan et en décalé. Il est en fleurs aussi, les deux dans quelques années entreront en résonance.
 Il n'y a plus qu'à attendre la floraison des primevères sous les grands chênes... Ne pas croire pour autant qu'il s'agisse d'une recherche monochrome. La palette intègre les roux (feuilles de chêne au sol, branches des stephanandra tanakaé et de l'acer palmatum de semis, mâtiné d'acer palmatum Senkaki certainement), les fonds verts brillants ou mats (houx, rhododendrons persistants), les argentés (feuilles ponctuées des pulmonaires, pulmonaria longifolia spontanées ici).